La tradition chrétienne à Malte

Vous entendrez régulièrement évoquer, dans l’Histoire maltaise, la naissance du christianisme : à partir de la date du naufrage de saint Paul, en l’an 60. Archéologues et historiens sont toujours à la recherche de preuves et de faits pouvant attester ce naufrage. Il serait donc plus exact de parler de tradition chrétienne que d’Histoire. Une tradition chrétienne qui est cependant désormais considérée comme faisant partie intégrante de l’Histoire de Malte.

Le point de vue d’un historien

Texte d’Alain Blondy, historien, spécialiste du monde méditerranéen

Les débuts du christianisme et la tradition paulienne.

Parler du christianisme à Malte, c’est évoquer la tradition du naufrage de saint Paul. Dans les premiers siècles de notre ère, la population maltaise était une population hétérogène : la population indigène s’était depuis longtemps mélangée aux nouveaux venus successifs, Phéniciens de Tyr ou Carthaginois et, ce faisant, elle s’était sémitisée. A côté de ce substrat punique, il y avait une assez importante communauté juive comme le prouve l’importance des catacombes qu’elle s’était réservées. Des éléments romains s’étaient ensuite ajoutés à ces populations de diverses origines sémitiques, s’y superposant ou s’y mélangeant. Ce fut au milieu de cette population sémitico-romaine que la tradition littéraire place l’arrivée de saint Paul en l’an 60. Le naufrage de saint Paul Cette aventure est relatée par les Actes des Apôtres, récit attribué à l’évangéliste Luc qui aurait accompagné Paul dans son voyage de la Judée à Rome. [Voir texte complet sur Paul de Tarse en fin de page, Note (1) : Actes des Apôtres 23 à 27]

Actes, 28 – « Une terre apparut alors et, le lendemain le navire s’échoua sur une île que le narrateur décrit comme un haut fond coupé par un bras de mer (topos dithalassos). Les indigènes apprirent aux naufragés que leur île s’appelait Melitè et allumèrent un feu pour les réchauffer. Alors que Paul ramassait du bois pour l’alimenter, une vipère le mordit, mais loin d’être blessé, l’apôtre jeta l’animal au feu et fut indemne ; les indigènes, voyant que par deux fois il avait échappé à la mort, le prirent pour un dieu. Conduit au prôtos de l’île, que Luc appelle Publius, Paul soigna son père de la dysenterie puis guérit d’autres malades de l’île (Actes, 28). Y étant restés trois mois, Paul et ses compagnons reprirent alors leur route pour Syracuse, Reggio di Calabria et Pouzzoles et, quinze jours plus tard, ils parvinrent à Rome où Paul séjourna deux ans (de 61 à 63). Son procès s’étant terminé par un non-lieu, il fut libéré. Ce fut au cours d’une seconde captivité à Rome, qu’il y fut décapité en 65 ou 67.

Ce texte, pour autant qu’il puisse être considéré comme une source historique (le texte original diffère d’ailleurs du texte occidental remanié vers la fin du Ier siècle), pose plus de problèmes qu’il n’introduit de certitudes. Par ailleurs, il contredit aussi largement une tradition maltaise qui ne parait s’être imposée fortement qu’à partir du début du XVIIe siècle.

D’une part, le problème le plus important est celui de la localisation du naufrage. Pour des raisons politiques et religieuses, une controverse opposa, principalement après le XVIe siècle, les deux îles qui, dans l’Antiquité, s’appelaient Melitè ou Melita : l’une est Mljiet dans l’Adriatique, l’autre est Malte. Mais c’est occulter l’existence de deux autres Melitè, toutes deux au débouché des courants du golfe de Syrte. L’une est un port de l’île de Jerba. L’autre est l’une des deux îles Kerkennah, en face de Sfax, étendues de sable d’un altitude ne dépassant pas la dizaine de mètres, ce qui en fait une alternative très plausible. D’autre part, la contradiction avec la tradition maltaise vient de ce que les Actes ne parlent aucunement d’une quelconque conversion des Maltais à la foi chrétienne (ce qui est corroboré par l’absence de toute trace archéologique chrétienne à Malte durant le Ier siècle). Au contraire, Luc, note la superstition des indigènes qui, après l’incident de la vipère, considérèrent Paul comme un dieu. Quant à la tradition qui fait de Publius le premier évêque de l’île, sa conversion n’est pas davantage mentionnée et Luc se contente d’indiquer la complaisance du riche Publius, nom courant à l’époque, à loger l’apôtre et sa suite pendant seulement trois jours.

Il reste enfin la tradition de la grotte de saint Paul, en réalité catacombe excavée, et où l’apôtre aurait été retenu prisonnier. A aucun moment, Luc ne définit Paul comme prisonnier ; en effet, la custodia militaris était une étroite surveillance du prévenu, mais celui-ci n’étant pas jugé, il ne pouvait donc pas être enfermé ; ainsi, arrivé à Rome, Paul fut autorisé à prendre un logement en dehors du camp prétorien, y habitant avec le soldat qui l’avait sous sa responsabilité (Actes, 28).

De Rome à Byzance (IVe- VIe siècles)

En fait, la christianisation de Malte s’effectua par la Sicile et sans nul doute lentement et assez tardivement. Les premières évidences archéologiques d’une présence chrétienne à Malte remontent tout au plus à la moitié du IIIe siècle. On voit en effet, apparaître alors, dans les catacombes, les premières mentions de la nouvelle religion. Celle-ci, en revanche, ne semble réellement dominante qu’au Ve voire au VIe siècle.

Suite, in : Malte, 7000 ans d’histoire, Alain Blondy, Ed. Bouchène, 2011, p. 39 et suiv.

Note (1) Paul de Tarse  » Paul de Tarse, pharisien et disciple du rabbin Gamaliel, avait été chargé de persécuter ses coreligionnaires juifs qui suivaient la doctrine de Jésus de Nazareth et qui croyaient qu’il était le Messie. Envoyé à Damas (vers l’an 36) pour épurer la communauté israélite de la ville, il fut terrassé en chemin par une vision du Christ et se joignit à ses disciples pour prêcher son enseignement dans les synagogues. Mais rejeté par la plupart des juifs qui l’entendaient, il décida alors de se tourner vers les païens. Ce faisant, il transforma totalement le sens de la prédication de Jésus qui s’était principalement adressé aux juifs et dont le but était de réformer l’esprit du judaïsme en substituant une loi d’amour à son formalisme ritualiste. Prêchant aux païens, (les Gentils c’est-à-dire les nations étrangères au monde juif), Paul tourna alors le dos à la Loi de Moïse, estimant que désormais le baptême suffirait et que la circoncision ne serait plus obligatoire ; il se fit ainsi fondateur d’une nouvelle religion. Aussi bien les juifs l’accusèrent-ils de prêcher l’abandon de la Loi et de profaner la religion en y introduisant des non juifs. Condamné par le Sandhérin à Jérusalem (en 58), il échappa au lynchage grâce à Claudius Lysias, le commandant de la garnison romaine installée sur l’esplanade du Temple (Actes, 23). Paul lui ayant appris qu’il était citoyen romain, ce tribun transmis son prisonnier au gouverneur Antonius Felix qui siégeait à Césarée et qui le consigna à résidence pendant deux ans (Actes, 24). En 60, le nouveau gouverneur, Porcius Festus, sollicité par les juifs de Jérusalem entreprit de le juger, mais Paul excipa de sa qualité de citoyen romain et demanda de jouir de son privilège d’être jugé par l’empereur lui-même. Paul décrété sous surveillance militaire (custodia militaris), fut alors embarqué à destination de Rome. Le navire qui le transportait longea les côtes de Chypre puis de l’Asie Mineure. De là, un autre bateau le conduisit vers la Crète ; ayant quitté cet île, une tempête se déchaîna et dérouta le navire avec 276 personnes à bord. Les marins, craignant qu’il ne s’échoua sur les côtes du golfe de Syrte (la Libye actuelle) laissèrent glisser l’ancre flottante et le bateau alla ainsi à la dérive des courants pendant quatorze jours (Actes, 27). Une terre apparut alors et, le lendemain la navire s’échoua sur une île que le narrateur décrit comme un haut fond coupé par un bras de mer (topos dithalassos). Les indigènes apprirent aux naufragés que leur île s’appelait Melitè et allumèrent un feu pour les réchauffer. Alors que Paul ramassait du bois pour l’alimenter, une vipère le mordit, mais loin d’être blessé, l’apôtre jeta l’animal au feu et fut indemne ; les indigènes, voyant que par deux fois il avait échappé à la mort, le prirent pour un dieu. Conduit au prôtos de l’île, que Luc appelle Publius, Paul soigna son père de la dysenterie puis guérit d’autres malades de l’île (Actes, 28). Y étant restés trois mois, Paul et ses compagnons reprirent alors leur route pour Syracuse, Reggio di Calabria et Pouzzoles et, quinze jours plus tard, ils parvinrent à Rome où Paul séjourna deux ans (de 61 à 63). Son procès s’étant terminé par un non-lieu, il fut libéré. Ce fut au cours d’une seconde captivité à Rome, qu’il y fut décapité en 65 ou 67. » – Extrait de Malte, 7000 ans d’histoire, Alain Blondy

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